Nous vous proposons aujourd'hui une interview de Grégory Lorent, entraineur adjoint en charge des Gardiens de But au Stade Nyonnais. (Challenge League, 2ème division suisse)

- Quel est ton poste actuellement ? 

Entraîneur adjoint en charge des gardiens au Stade Nyonnais (challenge League, 2ème division suisse).

- Quels sont les diplômes que tu possèdes ?

En France, j'ai le CEGB (licence B GK, FFF) et le BEF (licence A UEFA). Actuellement, je suis en train de passer la licence A Goalkeeper en Suisse. C’est bien de suivre cette formation en Suisse,  cela me permet d'adopter une double approche et une méthodologie différente. 

Le fait d'avoir une double méthodologie me permet d'adapter mon enseignement et d’avoir des outils différents, notamment tactique (en suisse c’est plus avancé qu’en france).

En Suisse, tout commence avec le jeu. Nous partons d'une situation de jeu pour créer un exercice ou une situation. Cette approche s'articule en trois étapes : la position de départ, le déplacement et la position finale. C'est une manière différente d'aborder l'entraînement.

Ici, on met l'accent davantage sur la notion de temps plutôt que sur l'espace. En Suisse,  en Allemagne ou en Scandinavie on va accorder du temps pour lire l’action tandis qu’en France on a plutôt tendance à vouloir avancer pour réduire l’espace entre le gardien et l’attaquant. On peut donc reculer pour prendre du temps afin de lire la situation, puis intervenir latéralement. 

Par exemple, un gardien comme Donnarumma aura tendance à appliquer cette approche. Lors d'un corner où il ne peut pas intervenir, il reculera pour prendre le temps de lire la situation et exploiter son avantage de taille pour intervenir sur sa ligne.

- Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours d'entraîneur GB ?

J'ai débuté ma carrière d'entraîneur à l'âge de 17 ans grâce à l'opération "Bosse ton foot" mise en place par le Racing Club de France et le Conseil régional d'Île-de-France. J'ai commencé à entraîner les gardiens pendant mes vacances au Racing Club de France.

À l'âge de 21 ans, j’avais pas d’entraîneur de gardien dans mon club de DH en région parisienne, j'ai donc décidé de devenir mon propre entraîneur de gardien. Je rassemblais des joueurs, un autre gardien, et nous organisions des séances d'entraînement.

À 22 ans, j'ai pris en charge les gardiennes de la D1 féminine du PSG pendant deux ans. Ensuite, j'ai occupé des postes à l'AFGC Foot et au district des Hauts-de-Seine en tant que coordinateur de projet départemental GB. En 2014, j'ai repris les U16 et U19 féminines du PSG.

En 2016, j'ai participé aux éliminatoires de la CAN en Ouganda avec les Comores. J'ai ensuite été l'entraîneur des gardiens de l'équipe de France U17 féminine. 

Par la suite, j'ai rejoint le FC Annecy pendant trois ans en tant qu'entraîneur des gardiens de l'équipe N2 et responsable du pôle GB.

Depuis les quatre dernières années, je suis au Stade Nyonnais en tant qu'adjoint en charge des gardiens. J'ai également collaboré avec la FFF via la ligue de Paris pour des séminaires sur divers thèmes, notamment le développement de l'explosivité chez les gardiennes de but. En plus, je propose un suivi à distance pour des gardiens, en mettant l'accent sur les aspects mentaux, tactiques et techniques, principalement avec ceux que j'ai entraînés par le passé et avec qui j'ai maintenu le contact.

Pour finir j’ai également le CEPA ( certificat d'entraîneur préparateur athlétique, FFF).

- Quels est t-on avis sur les gardiennes dans le football féminin ?  

La problématique réside dans le fait que le poste de gardienne évolue comme celui des hommes et demande ainsi les mêmes critères. Ainsi, on demande aux gardiennes de couvrir un but moins accessible en raison de leur taille par leur force physique. Cependant, intrinsèquement, on sait que la force développée sera moins importante, ce qui rend la tâche difficile. 

De nos jours, le profil des gardiennes évolue également, avec des joueuses ayant une stature plus grande et élancée, et qui sont maintenant plus athlétiques.

Les gardiennes très athlétiques contribuent à redéfinir le profil de la gardienne. 

L'approche des filles par rapport au football est davantage axée sur les compétences et le contenu de l'enseignement. Dans le football féminin, il existe de nombreuses possibilités d'amélioration, notamment pour les gardiennes. On peut travailler sur des aspects tels que la lecture du jeu, la communication, les aspects tactiques du gardien de but, et les placements afin de compenser le déficit de taille ou de puissance.

Il est important de noter que  bien entraîner des hommes ne garantit pas nécessairement une bonne formation pour les femmes. Cependant, je pense que lorsque vous êtes compétent dans l'entraînement des femmes, vous pouvez également bien entraîner les hommes. Les femmes sont plus réfléchies sur la pratique et cherchent à comprendre le pourquoi des choses. Elles ont une volonté de maîtriser ce qu'elles font.

En raison de la diversité des profils féminins, il peut être plus simple d'entraîner chez les garçons. Chez les garçons, un profil de leader est essentiel pour un coach, bien que chez les femmes, cela puisse être un peu moins crucial.              

- Quel est ton avis sur l’évolution du poste ?

Le jeu au pied est devenu extrêmement important de nos jours, et certains gardiens parviennent à intégrer des tops clubs grâce à leurs qualités dans ce domaine. Actuellement, certains clubs et entraîneurs choisissent un gardien en fonction de sa qualité de jeu au pied. 

Si on regarde les statistiques, environ 71% des phases de jeu d'un gardien se déroulent au pied au cours d'un match, et ce pourcentage semble même dépasser les 80% lors de la dernière Coupe du Monde.

La capacité à relancer depuis la zone basse est devenue ultra importante dans le football moderne, ainsi un gardien habile et sûr dans ses interventions au pied sera mis en avant. 

Un gardien dépourvu de compétences au pied aura du mal à s'imposer, surtout au plus haut niveau où la préférence va toujours à un gardien avec des aptitudes au jeu au pied. 

Un exemple probant est celui de City, qui a recruté Ederson en raison de sa qualité dans le jeu long. Il est capable de jouer court, de trouver des passes clés, et d'assurer la relance du jeu. Il peut même envoyer une transversale de 70 mètres dans le dos de la défense sur un pas et faire reculer tout un bloc défensif.

Mike Maignan incarne le gardien moderne avec son jeu au pied et son efficacité sur sa ligne. Cependant, je considère que le pionnier de ce style de jeu est Neuer, qui a révolutionné le poste avec son jeu au pied et sa technique de croix. Lorsqu'il sort, il adopte une position vraiment parallèle au sol en grand écart, c’est impressionnant. 

- Le geste favori du gardien de but?

À mes yeux, le geste que j'apprécie le plus est la claquette main opposée. C'est un geste spectaculaire et beau. Oui, c'est définitivement mon geste favori. J'apprécie également beaucoup les sorties dans les pieds.

- Toi qui est dans la préparation physique, quel est le point important pour un gardien ? 

En ce qui concerne les qualités physiques, je mettrais en avant l'explosivité, la qualité neuro-musculaire, ou la vitesse d'appui. L'objectif est de se déplacer rapidement vers le ballon, que ce soit par une capacité à pousser rapidement ou par la capacité à se déplacer rapidement dans l'espace. Dans tous les cas, cela revient à se déplacer rapidement.

Cependant, la qualité principale réside dans la tête du gardien, notamment sa capacité à rebondir après un but encaissé. La gestion de la pression et des erreurs, ainsi que le langage corporel, jouent un rôle crucial.

 Comment un gardien réagit-il après une erreur ? Par exemple, s'il commet une faute lors d'une relance du pied gauche, que fait-il lors du prochain ballon du match sur son pied gauche ? Est-qu’il met une saucisse en touche, ou bien il fait une relance propre ? Cette réaction démontre sa capacité à rebondir après une erreur, une qualité essentielle.

Le jeu appelle  l'erreur. 

On peut citer les paroles de Novak Djokovic dans un contexte sportif différent, mais qui peut être appliqué au football : "Au tennis, la victoire ne se joue pas entre les deux lignes d'un court, mais entre les deux oreilles du joueur." ça souligne l'importance du mental dans le sport de haut niveau.

- Que penses-tu de la technologie pour les gardiens de but ?

J’ai la chance d'avoir un gardien prêté par le Servette FC, ce qui permet de bénéficier des techniques d'entraînement de haut niveau dont ils disposent.

L'utilisation de la neurovision pour améliorer les prises d'informations est une approche intéressante. La collaboration avec un médecin spécialiste de la neurovision souligne l'importance accordée à cet aspect du jeu.

 De plus, l'intégration de différentes techniques de musculation, comme la méthode BFR (Blood Flow Restriction) sont intéressantes à utiliser. Cette méthode, développée au Japon dans les années 60, consiste à limiter l'afflux sanguin dans un muscle pendant l'entraînement, permettant ainsi de s'entraîner tout en limitant le stress articulaire associé à une séance de musculation classique.

J’utilise aussi la planche à rebond avec des couleurs pour la prise d’infos. Maintenant c’est une évidence mais la vidéo aussi est un point important de la préparation du gardien. Ces outils visuels et interactifs peuvent grandement contribuer à l'amélioration des performances.

Par ailleurs, l'utilisation de GPS sur les gardiens est un moyen efficace d'analyser les plongeons, les accélérations, et d'autres paramètres. Bien que cette technologie soit coûteuse, elle offre une quantification précise de la charge d'entraînement. 

- Quelle place accordes-tu aux préférences motrices ? 

Il est tout à fait essentiel de prendre en compte les préférences motrices dans l'entraînement des gardiens. Cela ouvre la voie à la résolution de problèmes en permettant de comprendre comment le gardien se déplace dans l'espace, les raisons de son succès dans certaines phases et de ses échecs dans d'autres. Cette analyse approfondie du profil du gardien peut influencer le positionnement tactique, en ajustant les stratégies en fonction des préférences motrices du joueur.

Dans des duels, entre un gardien aérien et un gardien terrien, les approches vont différer. Les préférences motrices deviennent alors un élément clé pour adapter l'entraînement et optimiser les performances.

Par ailleurs, les préférences motrices ont également une grande importance dans la préparation physique. Elles permettent d'ajuster les séances d'entraînement de manière à créer un environnement où le gardien se sent à l'aise, favorisant ainsi son développement. 

Si l'objectif est de renforcer la confiance du gardien, il peut être bénéfique de concevoir des entraînements qui correspondent à ses préférences motrices, créant ainsi un sentiment de confort propice à l'épanouissement du joueur.